Peter Pan a bien de la chance
Pourquoi n'aurais-je pas le droit de rester un enfant ?
Avant de parler de l'enfant il faut parler des parents, car après tout, dans le cas d'un demi dieu, il s'agit ici d'un élément primordial. D'abord la mère, une mortelle originaire du pays de Galle, de Cardiff, et qui avait refait sa vie à New York en tant qu'artiste. Mais c'était une artiste un peu particulière, ce qui attira le regard du dieu des forges, elle faisait de l'art industriel, utilisant des matériaux en tout genre à qui elle donnait une nouvelle vie, transformant de vieilles plaques d'aciers rouillés en un dragon imposant, utilisant ses outils et ses compétences d'horlogerie pour créer de petits automates finement ouvragés et purement esthétiques. Une as de la mécanique qui tentait de montrer la beauté de son art par une finesse incroyable ou l'utilisation de matériaux de récupération pour donner quelque chose de beau. C'est alors qu'elle exposait dans une petite galerie un peu miteuse d'après certains qu'il fit son apparition, qu'il lui fit l'honneur de venir en personne pour admirer son art. Bien entendu Lucy, car tel était son nom, ne pouvait se douter de qui elle avait devant elle, elle ne voyait qu'un homme, un homme particulièrement imposant et dont le visage semblait terriblement marqué, presque terrifiant. Mais est-ce que cela était suffisant pour qu'elle se fasse une idée ? Après tout une personne était comme une œuvre d'art, elle pouvait sembler laide à l'extérieur et avoir un intérêt intérieur immense, alors elle l'écouta, l'apprécia, l'aima. La vérité sur son identité fut révélée avant qu'il ne se passe quoi que ce soit de sérieux, ce fut difficile à croire, mais après tout, en quoi était-ce si absurde ? Et puis elle l'aimait tellement, il lui avait même fait le plus beau des cadeaux, elle était enceinte. Cependant elle savait qu'un jour il devrait partir et que ce serait avant même sa mort, c'était malheureux mais elle s'y était faite. Elle était au moins heureuse car il avait assisté à la naissance de son fils, Ezekiel Meredith Minnericht.

Voila déjà neuf ans que le jeune garçon était né, petite bouille d'ange courant dans tout les sens, incapable de tenir en place et se sentant obligé de manipuler des choses dans ses mains. Elle en était tellement fier de son petit bambin, finalement il était sans conteste sa plus belle œuvre d'art. Seulement cette année là n'allait pas être particulièrement rose, quelque chose d'inattendu allais leur tomber dessus, une information qui allait tout changer. Lucy était tête en l'air, ce n'était pas quelque chose de nouveau, cependant ça ne faisait qu'empirer au fur et à mesure des années. D'abord elle oubliait de rendre une commande dans les délais demandés, pas de quoi s’alarmer bien que mauvais pour sa réputation, ensuite elle perdait toujours ses clés, oubliait quel jour il était et, une fois, ce qui fit sonner son alarme interne, elle oublia d'éteindre le gaz, fort heureusement Ezekiel était gardé par une amie ! Au fond elle savait ce qu'elle avait, mais ça lui faisait peur, elle ne voulait pas le dire tant qu'elle n'aurait pas la certitude que ce soit ça. Elle passa donc des examens, laissant Ezekiel chez son amie pendant cette période, puis les résultats tombèrent, c'était exactement ce qu'elle craignait, elle était atteinte d'un Alzheimer. Comment se faisait-il qu'elle s'en doutait ? Tout simplement car sa grand mère en était atteinte ainsi que d'autres membres de sa famille dans sa généalogie. C'était une catastrophe, elle, qui était seule, ne pouvait pas décemment s'occuper d'un enfant et refusait qu'il soit placé dans une famille. Il lui restait une solution, une colonie dont lui avait parlé Héphaïstos pour quand Ezekiel serait assez grand, seulement, étant donné la situation, elle espérait vraiment qu'ils pourraient prendre en charge son fils, ce serait la meilleure solution pour lui bien que ça lui déchirait le cœur, seulement elle avait peur que si elle tardait trop elle ne s'en souvienne même pas. C'était décidé, c'était là bas qu'elle allait l'emmener.

Meredith avait dix ans depuis à peine une semaine, bien que cette période était devenu assez flou pour lui, son entrée à la colonie des sangs-mêlés était restée claire dans sa tête. Il se souvient quand il était dans la voiture, regardant par la fenêtre alors que sa mère lui lançait un sourire radieux, les arbres qui défilaient dans ce paysage idyllique. La voiture s'arrêta finalement en pleine cambrousse, l'endroit semblait désert mais, en y regardant de plus près, il y avait quelqu'un, une personne assez petite et trapu, un horrible bonnet sur la tête, qui les observait et semblait les attendre. Il n'écoutait pas vraiment pendant que sa mère lui parlait, trop perdu dans ses pensées et ce paysage qui s'étendait devant lui. Il avait simplement remarqué une chose, sa mère regardait sans cesse vers la colline qui se trouvait derrière le vieil homme, de ce fait il s'était mit à concentrer son attention dessus, imaginant ce qu'elle pouvait cacher, quelles merveilles, tout en construisant un petit soldat en ferrailles qui semblait s'animer et marcher au pas sans vraiment s'en rendre compte. C'était une capacité qu'il avait depuis quelques années déjà, quand il en parlait on disait qu'il avait beaucoup d'imagination mais sa mère lui répétait toujours qu'il avait un don, un don qui venait de son père sans en dire plus. C'est alors que sa mère l'interrompit dans ses pensées, posant sa main chaleureuse sur son épaule avec le plus doux des sourires. Elle disait qu'il devait suivre cette personne qui semblait bêler comme une chèvre quand il le regardait, qu'il allait passer les vacances dans une jolie colonie et qu'il y resterait sans doute un moment, le pensant assez grand pour lui dire qu'elle était malade mais pas mourante et que ça la rendait incapable de l'élever mais qu'elle lui raconterait tout en détail quand il serait vraiment en âge. Il avait tant de questions, il commençait à avoir vraiment peur, mais quand il voyait le visage de sa mère il s’apaisait, il lui faisait confiance, il ferait comme elle disait. Avant de partir elle ajouta « Rend nous fiers, moi et ton père, Héphaïstos ».

« Crétin de mioche ! Zeke, mais qu'est-ce que t'as encore foutu ! » La voix du petit homme trapu résonnait dans la colonie, le même que celui à qui sa mère l'avait confié, si ce n'était qu'en réalité il était mi-homme mi-chèvre, un satyre. Ezekiel avait tout juste quinze ans mais une année avait suffit à faire sa réputation. Cette fois il avait ravagé la forge et déchaîné un automate fou sur les autres pensionnaires. C'était juste un terrible accident, il avait été un peu trop curieux en le voyant reposer là, il promettait qu'il ne voulait faire de mal à personne, mais là n'étais pas le problème, tout le monde se doutait que ce n'était pas de sa volonté, à vrai dire c'était même devenu une habitude, le jeune demi-dieu était une catastrophe ambulante ! En moins de trente secondes il était capable de ravager le réfectoire, du coup, forcement, on l'éloignait des postes à responsabilités. Seulement, bien que cela fasse bien rire ses petits camarades qui le voyaient comme une sorte de mascotte, lui ça le faisait beaucoup moins rire, il n'aimait pas être aussi maladroit, ce qui était un comble quand on savait ce dont il était capable de ses doigts. C'est pour ça qu'il avait demandé à s'occuper de la forge, de la nettoyer et de toute éteindre avant d'aller manger pour leur prouver qu'il en était capable mais même pas, il avait juste activé un robot tueur. Il regardait le sol, s'entortillant les doigts et tentant de se retenir de pleurer pendant que le satyre lui faisait la leçon devant le reste de la colonie tous en train de rire et le reste des Héphaïstos qui, eux, étaient nettement moins amusés. Le voyant sur le point de craquer, le satyre coupa court dans son sermon et renvoya tout le monde finir leur repas avec un regard noir que personne n'osa contrarier. « Écoute petiot, c'est pas grand chose, il y a pas eu de blessés ! » Mais c'était trop tard, il s'accroupit au sol et fondit en larme. Pourquoi devait il tout ravager sur son chemin ? « Arrête donc d'être aussi émotif ! T'es un homme ! Et pas le fils de n'importe qui ! » Ah oui, son père, c'est sûr qu'il avait l'air de beaucoup tenir de lui en ce moment … Non mais franchement, la seule chose qu'il avait en commun c'était qu'il savait créer de cool gadgets ! « Je vais te dire un secret, ton … enfin tu vois, lui aussi se tourne souvent en ridicule, surtout quand il décide d'espionner … deux personnes en particulier, il veut les humilier et s’humilie lui même en fin de compte. Bien sûr jamais je ne t'ai dit ça ! Bah que tu le veuilles ou non, tu as aussi hérité de son côté maladroit, mais toi au moins tu ne t'humilies pas à ce point. Ce que je veux dire, c'est que tu dois voir ça comme faisant partit de toi et tu verras que ce n'est pas grand chose. » En gros il allait s'humilier toute sa vie et il devait s'y faire ? Pas grandiose comme discours réconfortant. « Pfffff ! Spèce de buté va ! Si t'arrêtais de te comporter comme un bébé tu comprendrais plus vite ! Bon, laisse ça à quelqu'un d'autre et viens manger. »

Finalement il n'avait pas tellement tort ce vieux bouc ! Il avait peut être mit du temps, mais sa maladresse, il s'y était fait, c'était au fond un élément qui le définissait autant qu'un autre. Bon, par contre ça ne le faisait toujours pas rire quand il faisait s'écrouler un pilier ou qu'il réduisait en miettes la création d'un copain, mais le reste du temps il en riait. Il préférait voir ce qu'il y avait de bon dans chaque chose, rire de tout, s'émerveiller de tout sans penser aux conséquences. Bon, ce n'était toujours pas très mature comme attitude, mais il savait réparer ses torts au besoin. Ce qui avait déclenché ce changement d'état d'esprit ? Sa mère. Elle se souvenait de moins en moins de lui, cela faisait plusieurs années déjà qu'elle était en clinique et depuis quelques temps déjà il était devenu un étranger pour elle, même le surnom Zeke, deux syllabes, elle ne parvenait pas à le retenir plus de quelques minutes. C'était pour ça qu'il voulait être si parfait, pour qu'elle puisse être fière de lui, mais il semblait de plus en plus improbable qu'elle le soit un jour. Mais l'improbable arriva, se prenant un plateau repas qu'il n'avait pas vu, renversant le tout sur le sol en plus de sa personne, il entendit un éclat de rire, le plus beau qu'il ait entendu depuis son enfance, celui de sa mère qui l'appela par son second prénom, comme elle l'avait toujours fait, disant qu'il était tellement drôle, avant de sombrer à nouveau. Pour autant il compris, il n'avais pas besoin d'être parfait, seulement d'être lui même, et se tourner en ridicule et faire rire les gens c'était ce qui le définissait et il en avait conscience à présent, il espérait que cela change un jour mais en attendant ça ne le tourmentait plus autant, car c'était ce qui, pendant quelques secondes, avait fait revenir sa mère.

Puis arriva ce jour funeste, le dernier jour de la colonie des sangs-mêlés. La barrières magique semblaient avoir disparu, les éléments semblaient se déchaîner pour ravager ce lieu qu'ils n'avaient jamais pu souiller, des monstres s'infiltraient dans leurs murs pour perpétrer un véritable carnage. C'était la débandade, en un rien de temps la moitié de la colonie était déjà en ruine, les pensionnaires étaient sous le choc, le vent soufflait accompagné par le tonnerre, les monstres attaquaient de toutes part mais personne ne parvenait à établir une stratégie défensive efficace, bien trop déboussolés quand certains étaient carrément incapables de combattre. Cependant il firent tous un effort terrifiant étant donner la situation pour défendre leur chez eux, aucune aide ne semblait venir, aucune prière ne semblait être entendu, si elles n'étaient pas simplement ignorées. C'était peine perdu, certains avaient déjà renoncés mais d'autres comme lui essayaient de se battre un maximum, se refusant à voir la colonie disparaître. C'est alors qu'Hermès, le dieu messager, fit son apparition, tous les monstres disparaissant dans l'instant. Enfin une aide ? Non, son message était horrible, c'était la fin, la colonie était perdu car il devait en être ainsi, maintenant ils devaient aller dans un autre camp, chez les romains, disparaissant alors en laissant une simple adresse. Les romains ? Était-ce sérieux ? Il trouvait ça absurde ! Certes, les divinités étaient les mêmes, mais pourquoi faire deux camps différents ? Et pourquoi n'en savaient-ils rien ? C'était du n'importe quoi, mais surtout il ne voulait pas partir, il ne voulait pas quitter la colonie, il ne voulait pas voir ce camp romain, jamais. Mais où pouvait-il aller ? Il n'avait pas de chez lui, son chez lui c'était ici. Par dépit, il fini donc par suivre ses camarades, le cœur n'y étant pas vraiment. Pourtant c'était vrai, arrivé sur place, devant le tunnel, deux sentinelles qui ne tardèrent pas à prévenir les autres, puis ils le virent, ce camp caché dans la montagne. Quand à l'accueil, bien qu'ils tentèrent de les intégrer en les invitant à leur festivité, ce n'était que regards noirs et murmures. C'était clair, ils étaient des étrangers indésirés et même si papa et maman avaient dit d'être gentils, cela ne changerait sans doute jamais.

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