LIKE A CANDLE IN THE WIND
“-She is like the wind, open and free. If I cage the wind, would it die?" ₪ PROLOGUE "Nous ne nous rappelons pas toujours que nous avons oublié, par conséquent, se rappeler que l'on a oublié, ce n'est pas vraiment oublier, n'est-ce pas ?" [ Siri Hustvedt ]
Une jeune anthropologue venait d'atterrir, après plusieurs heures de vol, en sol russe. L'américaine devrait ensuite effectuer un long trajet jusqu'au village de Konakovski Mokh. Ce dernier était situé à la frontière des régions de Moscou et de Tver ou vivait la communauté Tzigane Kalderash. Élizabeth prévoyait y passer 1 mois entier à étudier leur mode de vie et leur culture en vivant auprès d'eux. Elle attendait ce moment depuis des lustres! Après de longues années d'études et de préparation, elle pouvait enfin faire l'expérience du travail de terrain. Elle en frissonnait d'impatience. Les mœurs et coutumes de ces gens avait toujours piqué la curiosité de la blonde.
Les choses ne se passèrent toutefois pas comme prévus. La vie est une chose imprévisible, impossible à dompter où a anticiper. Et les choses se déroulent rarement de façon linéaire. Parfois, on en vient à croire que la vie s'amuse à nous jouer des tours et à nous étonner. La vie est une grande farceuse. Le fait est que Elizabeth soit non seulement tombée en amour avec ce peuple libre et fier, mais aussi avec un homme du campement de tziganes. Des cheveux noir et un regard azuré, ils se sont tout deux rapidement rapproché l'un de l'autre. Le caractère curieux et érudit de l'une et le tempérament nonchalant et moqueur de l'autre firent d'eux une paire drôlement assortie. Mais fît perdre toutes crédibilité quand au sérieux du travail de la jeune anthropologue. Au final, tout deux durent se séparer. Elizabeth devait retourner aux États-Unis, et le jeune homme prévoyait voyager et laisser le vent le guider vers sa prochaine destination. Peut-être, qu'un jour un bon vent le mènerait en terres américaines, qui sait?
Pour faire simple, la jeune femme perdit toute crédibilité auprès de son employeur et fût relégué a assister les recherches des anthropologues plus aguerrit du bureau . Le jeune voyageur tzigane est partit de son côté sans révéler sa véritable identité par étourderie, mais aussi par insouciance. Qui aurait cru que 9 mois plus tard, une petite fille verrait le jour?
₪ ACTE I "L'imparfait du rêve, le rêve imparfait. Il n'est pas vrai que le rêve satisfasse pleinement le désir. Sans doute y vise-t-il mais il y échoue, de là son charme : ne pas combler, pour mieux maintenir vivante l'attente, pour entretenir l'impossible, frôler l'interdit." [Jean-Bertrand Pontalis]
L'enfant était complètement fascinée par toutes ces couleurs et ces formes. Lesquelles s'étendaient sur plusieurs fiches de papier cartonné. Un imposant ouvrage reposait sur le sol devant ce petit bout de femme. Cette dernière contemplait les illustrations qui parcouraient l'encyclopédie qui était en lui-même aussi grand qu'elle. Chaque feuilles de papiers représentaient des hommes, des femmes, des enfants mais, dans des univers complètement différents les uns des autres. Certains étaient vêtus de rouge criard et d'or, alors que d'autres étaient emmitouflé sous d'épais vêtements de fourrures diverses. Le cadre dans lequel la photographie était prise différait aussi agréablement. C'est ainsi qu'on pouvait voir une explosion de verdures, ou encore des dunes de sables orangées, et même parfois un arrière-plan plutôt moderne, envahie par des tours de fer et du bitume.
Mine de rien, la petite fille de 5 ans était en train de consulter un ouvrage "d'adulte", un genre de dictionnaire illustré des différentes communautés ethniques à travers le monde. Pourtant, elle se fichait éperdument du contenu, la fillette s'intéressait plutôt aux belles images et aux couleurs éclatantes, parfois même surprenantes à ses yeux. De temps à autre, un turquoise limpide crevait l'espace pour mieux étaler toute la pureté des blancs qui l'entourait. Encore mieux, un jaune étincelant qui côtoyait un rose profond ou un noir inquiétant cerné par de petits astres lumineux. Parfois l'illustration était envahie par les rayons du soleil et on devinait la chaleur ambiante, à d'autre moment on détectait un froid mordant, un vent impitoyable qui fouettait le visage à découvert de la famille représentée. Néanmoins, certaines photos ne laissaient aucuns indices quant à la météo locale.
Installé sur le sol, l'enfant tuait le temps armé de ces grands clichés, portraits de groupes modernes, oubliés ou morts depuis longtemps. Elle glissais ses doigts le long des pages puis lâcha un soupir. Sa mère, le nez toujours fourré dans ses bouquins de photographies familiales et dans sa paperasse habituelle, exerçait les limites de la patience de sa fille. La petite dame n'avais plus qu'une ambition, mettre les pieds dehors, courir, sauter, danser et, recommencer encore une autre fois. Cependant son souhait allait passer derrière celui de sa mère qui bûchait encore sur l'écriture des résultats d'analyses de sa dernière expédition, en tant que simple assistante. Aventure qui lui permis de faire la rencontre avec une communauté ethnique minoritaire de la Hongrie, les Arméniens. Un nouveau portrait de famille à comprendre, à décrypter, à illustrer.
Une fois de plus, et pas la dernière, l'enfant se retrouvait relégué à observer le monde à travers les portraits des familles du monde et à envier les enfants qu'elle pouvait voir s'amuser dans la rue dehors.
₪ ACTE II "Comment ne pas avoir peur devant cette absence de raison dénuée de toute folie?" [Raymond Queneau]
"Je parie que tu n'oserais jamais passer une nuit dans la vieille maison abandonnée ... On raconte qu'elle est hantée par le fantôme d'un homme désaxé qui, une nuit, aurait tué tout être vivant dans sa baraque, sa famille, les domestiques, les chevaux et mêmes ses chiens de chasse."
"Tu crois? Eh bien mon cher, sache que je relève le défi ! Une nuit a camper dans une maison décrépie ? Il n'y a rien de plus simple, un enfant de 5 ans le ferais sans incidents! "
Et c'est ainsi, qu'à la tombée de la nuit, je me retrouvai au pas de la porte d'une demeure effectivement en état de délabrement. Un vieux sac de couchage vert forêt pendu au bout de la main, j' inspectais les lieux d'un œil dubitatif. Le Viel édifice fait de pierres grises et ternes se tenait sur la colline, encadré d'un immense terrain vague et d'un boisé effeuillé. Sans compter la grille d'entrée saturée par la rouille et par les défécation des oiseaux du coin. Charmant ! Un petit sac de toile reposait sur mon dos. Ce dernier contenait milles et unes petites choses nécessaires pour survivre la nuit sans encombre. Autrement dit, plusieurs sachets de friandises, une grande bouteille d'eau, une lampe torche, une couverture supplémentaire, une encyclopédie illustrée portant sur l'astronomie et tout un tas de petits objets utiles.
D'un pas décidé, je m'engageai sur le porche de la maison, tendit le bras vers l'avant et m'empara de la poignée. Si cette dernière bougea d'abord difficilement, avec un peu de persévérance, elle parvint toutefois par s'ouvrir dans un grincement strident (plus cliché que ça tu meurs). À l'intérieur, la poussière recouvrait tout ce qui se trouvait dans la place. Je m'installai dans un coin en attendant que la nuit passe. Sous la lumière de la lampe torche, j'observais les nébuleuses, les étoiles en fusion et les constellations qui parsemaient l'encyclopédie. Et le temps commença à se faire long. Cette propriété n'est décidément pas hantée, seulement flippante.
J'entendais la pluie qui tombaient et plus en plus fort contre les carreaux. Le vent aussi, il sifflait, il hurlait partout dans la pièce. Je pouvais même sentir son souffle me caresser le visage. C'est à ce moment que j'entendis un drôle de grattement au fond de la pièce. Nécessairement, je pointai ma lampe torche en direction du bruit suspect. C'est à ce moment là qu'un grognement, vraisemblablement canin, survint à ma droite. Quelques secondes plus tard, une grande masse noire se jeta en ma direction. Un monstre de muscles et de poils, un chien format géant à vrai dire. Écrasé au sol, j'évitai de regarder la bête dans les yeux, j'ai entendu quelque part que ça pouvait les provoquer. Ses griffes, s'enfonçaient dans mes épaules et s'assuraient de me maintenir immobile au sol. Dehors, l'orage venait d'éclater. Les éclairs éclairèrent momentanément les lieux. Puis, aussi idiot que cela puisse paraître, je posai mes main sur le poitrail de la bête croyant ainsi pouvoir repousser le chien enragé. Ce qui est dément, c'est que ça a fonctionné. À partir de ce moment, les événements empruntèrent une tournure inconcevable. La bête se retrouva à quelques mètre de moi, légèrement assommé, par la force d'un étrange coup de vent. Je ne me posai pas de question et filai directement vers la porte d'entrée pour me réfugier.... sous la pluie et les éclairs. C'était horrible, je courrais comme une forcenée pour éviter à la fois de tomber sous la patte d'un chien anormalement grand et pour éviter de me faire foudroyer par l'orage au-dessus de ma tête. Je déteste les chiens et les tempêtes électriques m'horripilent. Qu'elle charmante nuit que celle-ci....
Au petit matin, je me retrouvais dans la cuisine du petit appartement familial. J'étais seule, évidemment, maman était toujours partie en expédition quelque part. J'épongeais le sang qui coulaient encore des mes épaules, tétanisée par l'irréel de ma situation.
₪ ACTE III "Toute destinée, si longue et si compliquée soit-elle, compte en réalité un seul moment : celui où l'homme sait une fois pour toutes qui il est."
[Jorge Luis Borges]
C’est étrange… J’ai cette drôle impression, cette folle intuition qui flotte dans mes pensées, qui taraude mon cœur. Et si le réel n’était pas si réel? Et si nos rêves, notre imagination, étaient plus que ce qu’ils semblent être? Cette simple pensée suffît à me ronger de l’intérieur. Et si je n’avais rien inventé? Ai-je raison de croire que le monde est fondé sur des prétentions, de fausses suppositions ? Ai-je raison de présumer que les fables sont plus réelles qu’on ne le prétend? Et si ton monde s’effondrait devant une vérité inenvisageable, que ferais-tu?
J'avais le sentiment de perdre la tête, d'être complètement toqué. D'être si près du précipice qu'un coup de vent pourrait m'y faire tomber. Tout autour de moi s'écroule, tout s'effondre sans que je puisse faire quoi que ce soit. Je perd pied, je tombe, je me noie dans l'incertitude et la confusion. Je ne comprends pas ce qui se passe, ce qui s'est produit. C'est étrange de voir un désir se réaliser, prendre forme devant soit, et d'en être aussi effrayé. D'avoir la frousse au point de vouloir revenir en arrière. Comment croire quelque chose qui est dénué de tout sens, de toute logique? Comment ne pas avoir peur devant cette absence de raison?
Heureuse de terrifié à la fois, je fixai d'un œil incertain celui qui venait de confirmer mes inquiétudes et mes plus folles suppositions. Grand et insouciant, l'homme me détaillait avec un regard indéfinissable pendant que je digérais et comprenais l'étendue de ses paroles. C'est étonnant à quel point quelques mots, quelques syllabes peuvent chavirer toutes nos convictions et certitudes sur le monde. Et on se rend compte alors à quel point on est stupide de s'entêter à avoir des certitudes alors qu'au contraire, la vie prend plaisir à nous les arracher.
Mais tout ceci est insensé. Tout simplement impossible. Un homme se pointe soudainement chez-moi, sans frapper à la porte, et m'annonce sans cérémonie
"Je suis ton père".
(Un peu plus et je me serais cru dans un des films de la sage de Star Wars) Ensuite il m'annonce que je devrais partir, qu'il est temps de "
lever les voiles". Comment ne pas croire à sa folie? Cet homme est vraiment étrange. Cette journée est vraiment étrange. Il m'explique sommairement la direction à prendre et m'assure que je ne serai pas déçue. Il m'observe encore un peu, nos yeux du même bleu un peu gris, se croisent un instant. Les miens méfiants et plein de questions, les siens serein et malicieux.
Quelques instants plus tard, je me retrouve seule avec mes interrogations. Je n'ai que quelques mots pour satisfaire ma curiosité : Éole, colonie et New York. Alors, je fais ce qui me semble le plus logique, j'ouvre mon ordinateur et tape ces quelques mots sur google. Figé devant mon écran, je digère le tout. Mais, au fond de moi, il y a une petite fille qui danse, une fillette qui entrevoit une belle aventure.
₪ ACTE IV "C'est ça la famille. Des gens qui vivent ensemble sans rien avoir à se dire, qui s'aiment ou se déteste sans raison. C'est ça la famille: une petite meute animale"
Je déteste me sentir faible, être le dernier maillon de la chaîne. À mon arrivée à la colonie, c'est ce que je représentais. Un être fragile et égaré. J'étais faiblarde, lente et inutile. Je détestais ce que j'incarnais. Je regardais les autres, leur dextérité pour le combat, leur rapidité et leur stratagème, avec envie. Un sentiment sombre qui me retranchait aux limites de ma fierté. J'avais honte parfois d'être moi. Mais, j'ai veillé à ce que ça change, j'y travaille encore d'ailleurs avec assiduité. Je m'estimerai satisfaite le jour où je ne trouverai plus personne au-dessus de moi. Pourtant, j'ai toujours cette perfide jalousie qui me ronge de l'intérieur. J'aimerais être et pouvoir avoir plus que ce que je n'ai déjà.
Chaque jour je deviens un peu plus forte, plus libre, et j'aime ce sentiment. J'ai l'impression d'accomplir quelque chose, de me réaliser en quelque sorte. Et cette fourbe jalousie? Je m'en sert comme une arme, un moyen de me dépasser et de surpasser. Un instrument pour faire mes preuves auprès des autres et de moi-même.
La colonie représentait donc une sorte d'étape pour me mener plus loin. Un endroit fantastique mais hors du temps. Alors quand l'endroit à été réduit en cendre, je n'ai pas été aussi sentimentale que les autres. J'ai regardé les événements à distance sachant très bien qu'il est impossible de se battre contre les éléments, contre l'inévitable. Et puis quoi? On peut rebâtir, c'est pas sorcier. Certains pourraient croire que la fille d'Éole est sans cœur et qu'elle se fiche de tout. Mais ils ont tout faux. Je suis seulement réaliste. De toutes manière avoir des attaches ne peut que nous faire souffrir alors autant ne pas s'en créer et prendre plaisir à la découverte.
₪ ACTE V "Le chaos est souvent source de vie alors que l'ordre génère des habitudes."
Un nouveau chapitre de mon étrange existence. Pas mon préféré. Je prône le changement et la curiosité, mais je vous avoue qu' il est plus difficile ici de mettre mes principes en action. Tout est droit, tout est en angle et bien ordonné. Tout est question ici d'horaires et d'habitudes. Tout est trop propre et trop organisé. Quant au campement grec, il reste toujours fidèle à lui-même ici ou là-bas.
La question est: est-ce que les Grecs vont se laisser influencer par le mode de vie des Romains ou est-ce les Romain qui vont se laisser séduire par les principes Grecs?
À suivre...
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