Welcome in your new home, daughter of mother nature. Mon père m'avait levé tôt ce matin là. Il me l'avait dit, nous allions quitter Dublin, j'allais le quitter, lui mon père que j' aimais tant. Je n'étais qu'une petite fille de dix ans mais il me l'avais dit. J' étais spéciale, j' étais la fille de Déméter. Pour moi, la fillette aux cheveux roux qui faisait pousser les fleurs, Déméter n'était qu'un nom dans un livre et ma mère , une inconnue dont je n'imaginais même pas le visage. Je le savais pourtant, j' avais sa chevelure, son don, sa passion pour la nature. J' étais la fille de ma mère, ce mystère vénéré par tant d'hommes.
Il m'avais préparée avec soin, presque comme un cérémonial. Je ne comprenais pas vraiment le sens de cette séparation. Je fixais en silence mon père dans l'avion qui m'emmenais loin de lui. Je semblais si petite dans ma robe rouge. Vulnérable. Alors je serrais sa main, si j' avais été plus forte, j' aurais pu la lui broyer. Et puis nous sommes arrivés devant cet endroit si étrange.
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" Tu vas devoir y aller seule ma Eireann. Cette endroit est pour ceux qui sont comme toi. Spéciaux. Ils y aura d'autres enfants qui auront un papa ou une maman aussi particuliers que la tienne. Je ne te promets pas que tout ira bien tout de suite. Mais je te connais ma petite fleur, tu sauras te faire aimer. Même si je t'aimerais toujours le plus fort."

Je sentis les lèvres de mon père se poser sur mon front pour me rassurer. J' étais terrifiée à l'idée de lâcher sa main. Mais la douloureuse séparation eut lieu malgré tout. Je finis par le quitter, par rentrer dans ce camp les larmes aux yeux. J'étais perdue avec ma petite valise et restais immobile. Je voyais autour de moi d'autres enfants. Tellement d'enfants. Des adolescents venaient vers moi, parlant si vite et me demandant de qui j'étais la fille. Je voulais parler mais aucun son ne voulait sortir de ma bouche. Mes yeux, eux, ne savaient où se poser. Il y a tant de choses à voir. Tant de découvertes. On vint me chercher pour m'amener dans un bungalow. Celui d'Hermès m'avait on dit. Le mien, j' irais plus tard. Quand ma mère me reconnaitrais comme sa fille. Je ne comprenais pas tout, j'essayais de me repérer dans ce bungalow qui n' est pas le mien et ne le serais jamais.
Il ne fallut pas longtemps. Seulement quatre petits jours. Quatre jours avant qu'une gerbe de blé n'apparaisse au dessus de ma tête. Et voilà. Ca y était, moi la petite irlandaise était devenue au yeux de tous, la fille de Déméter. Je fus amenée à mon bungalow. Et mes frères et soeurs vinrent à moi. Je n'étais plus seule, je n'étais plus perdue. Et je me rappelais la promesse de mon père. Tout finit par aller mieux à un moment ou à un autre. Oh bien sûr, j'avais perdu l'intérêt que certains me portais. Je n'étais pas la fille d'une guerrière. Mon ascendance n'avait pas de valeurs pour ceux qui préfèrent les grands faits de guerre. Mais d'autres enfants venaient à moi. Et je découvrais que ma mère était une divinité qui rassure. Une mère qui faisait de moi, une fillette qui est synonyme de nature, de protection maternelle. J'étais enfin vu telle que j'étais. La digne fille de ma mère.



Destruction of our home is the end of our childhood. Ce jour là fut celui de mon pire cauchemar. Celui du début de la fin. Les cris, je n'entends que les cris. Et l'odeur de brûlé me monte au nez. Celui des bungalows en flammes. La météo était déchainée et plus aucune barrière ne retenait ce carnage. C'était sans doute ça que les hommes définissaient comme la fin du monde dans leur bible. Pour moi, c'est clairement la fin de mon monde.Les dieux nous ont abandonné.
J'aurais du être furieuse et me battre. Pas maintenant. La seule chose qui me venait à l'esprit était la terreur. Pas de ce que je voyais, mais de ceux que je ne voyaient pas. Je cherchais avec désespoir mes frères et soeurs du regard. Avaient-ils réussi à sortir du bungalow avant que les flammes n'embrasent notre refuge? Je les trouvais un par un et quand ma terreur fraternelle fut rassurée, je défendis ce qu'il restait à défendre. En vérité, plus rien. Mais, je n'aurais rien pu faire de toute manière. Face au déferlement de puissance imposée par nos parents divins, nous étions des enfants condamnés à la fuite.
Impuissante, j'écoutais Hermès. Je voyais la colère de certains autour de moi et je comprenais leur rage. Moi même, j'étais en colère. Une colère inutile, maintenant qu'il n'y avait plus rien à sauver. Nous devions partir, nous exiler parce qu'ils l'avaient décidé. Eux, les dieux tout puissants et dénués de compassion pour leur propre progéniture. J'avais vu certains prier leur père ou leur mère. En vain. Même Athéna, la déesse de la sagesse, n'avait pas daigné bouger pour sauver ses enfants. Pas même ma mère. Mais je savais en même temps que ces deux déesses, elles mêmes n'auraient rien pu faire. Seul Zeus aurait pu stopper cela. Mais à quoi bon. Il n'y avait aucun de ces enfants directs directs ici. Des petits enfants sans doute. Mais il n'était pas connu pour être un modèle de parentalité. Et voilà où nous en étions.
Des enfants abandonnés, livrés à eux même pour aller rejoindre un refuge qui n'en serait pas un. Des enfants punis à tord.
J'avais perdu mon père il y a deux ans, et je perdais aujourd'hui mon foyer. J'avais même crains de perdre la seule famille qui me restais. Si j'avais déjà peu d'estime pour les dieux, ils venaient de perdre ce qu'il en restait. Ce déferlement de destruction gratuite n'avait pas été mérité et ils avaient du se mettre à dos, énormément de leur enfants. Mais ils devaient s'en moquer, eux bien à l'abri, là haut.
Il ne me restait donc plus qu'à suivre les informations d'Hermès, comme nous allions tous le faire. Hermès qui était parti ben vite. Il avait du sentir l'atmosphère lourde de reproches envers ce qu'il représentait. Alors je prenais ce qu'il y avait à récupérer, rien, et rejoignais les autres. Nous partions pour ce fameux camp romain. C'était la fin de notre colonie, la fin d'une époque, la fin d'une partie de notre enfance.