C'est ma vie, ma mémoire
I'm frozen to the bones, I am a million mile from I'm walking away. I can't remind your eyes, your face.




La mère fixait Eros des deux saphirs qui lui servaient d'yeux. Elle était enceinte jusqu'au cou. Elle n'avait plus de chez-elle. Ses parents descendaient d'une riche princesse perse, mais ils ne le savaient pas. Apprenant que leur fille était enceinte et qu'elle ne connaissait pas le père, ils la mirent à la porte, la traitant de catin, et la reniant totalement. Elle avait dû se débrouiller pendant neuf mois, avec des petits boulots. Même quelque jours avant le "terme" de sa grossesse, elle travaillait encore. Rien de bien payé. Elle n'allait pas régulièrement chez le gynécologue. Il n'était pas des meilleurs. Mais elle avait de la chance que le bébé se porte à peu près bien.
"-Arya. Tu te portes bien mieux que la dernière fois à ce que je vois.
-A cause de toi, je suis condamnée à errer !
-Condamnée ? N'était-ce pas toi qui disait qu'on pouvait choisir son destin, ce soir-là ?
-Les choses ont changées. J'ai changé. A cause de toi,toujours, à cause du fait que tu ne te protégeais pas ce soir-là, j'ai cet enfant en moi. Alors que je n'en ai jamais voulu.
-Alors que vas-tu en faire ?
-Je vais l'abandonner, bien évidemment !
-Es-tu un tel monstre ?
-Ce n'est pas de la monstruosité. C'est de la justice. Tu voulais de cet enfant, il va mourir. Je voulais la vie, je vais mourir.
-Mais la mort était écrit dans ton destin. Toi, tu n'es pas Immortelle.
-Ce qui signifie que toi oui ? Tu es fou. Je porte en moi l'enfant d'un fou. Maintenant laisse-moi. J'ai mal.
-Tu vas accoucher dans la journée qui va suivre. S'il te plaît, abandonne-le près de l'Eglise que tu trouveras là-bas."

Il lui souffla à l'oreille l'adresse et lorsqu'il eût terminé, elle recula brutalement, et elle tourna les talons, sans même un au revoir.

Le lendemain, au soir, Arya portait dans ses bras son enfant. Elle ne voyait pas à travers la Brume. Elle ne savait pas ue le père de son enfant était Eros. Elle ressortit du bâtiment dans lequel elle avait accouché, perdue. Elle ne savait pas si elle devait abandonner l'enfant là, au plus près de tous les péchés -car Arya avait reçu une éducation chrétienne- ou près d'une Eglise, dans la Maison de Dieu, où il pourrait veiller sur la petite fille. Elle regarda le gamin qui s'était endormi, et s'assit sur le trottoir pour réfléchir.

Elle finit par se décider, et en pleine nuit, elle déposa l'enfant, enveloppé dans le gilet qu'elle portait alors. Quant à Arya, personne ne la revit plus jamais en vie. On ne trouva que son cadavre, dans l'Hudson. Morte noyée. Un suicide.
Personne ne sut jamais qu'elle s'était offerte à Eros en remerciement de l'avoir sauvée. Il lui avait empêché de se faire agresser par un groupe de caïds. Et elle avait perdu sa virginité autrement. Elle ne s'en était pas rendu compte de suite. Elle ne savait pas que l'homme -ou plutôt le dieu- ne s'était pas protégé. Et elle n'avait jamais pris de pilule. Voilà comment a té crée et comment est née Ambroisia Day Trendle.




La bonne soeur t'as trouvée, là, devant la porte. Là où ta mère t'avait laissée. Ambroisia. Ambroisia Trendle selon le message qui avait été déposé dans tes couvertures. Nous étions un dimanche. Le Jour du Seigneur. C'est pour cela qu'ils t'appelèrent Day. La nonne se hâta de t'emmener près de la cheminée, pour que tes lèvres perdent leur couleur schtroumpf. Car oui, tu étais bleue. Les nuits d'hiver ne sont pas clémentes, et encore moins avec les nourrissons. Tu étais glacée. Tu aurais passée une heure de plus qu'on aurait retrouvé qu'un cadavre de toi, ce qui aurait été franchement dommage, mais ce que tu préférerais. Alors, ils t'ont élevée. Ca n'était pas une simple Eglise, c'était toute une abbaye. Et quelques orphelins y habitaient aussi. Tu as grandi avec eux. Le jour de tes un an, ils te baptisèrent. Et on te donna cette croix en schiste noir. Tu la portais fièrement, comme si c'était la Légion d'Honneur. Tu étais chérie et aimée de tous.
Mais tu avais déjà des tendances un peu bizarres. Tout d'abord, tu ne savais pas tenir en place. Comme tu n'avais que trois ans, on disait que c'était lié à l'enfance, que ça partirait en même temps que l'âge de raison. Ils essayaient de t'instruire, mais tu ne savais pas rester sur une chaise à écouter de vieux moines et de vieilles nonnes te raconter dix fois comment Jésus-Christ a ressuscité. En fait, tu t'en foutais déjà. Car tous tes cours se basaient sur les récits des Apôtres. Et toi, bah, les gens qui sont morts, ils sont morts et c'est tout. Pourquoi il faut toujours penser aux morts avant de penser aux vivants ? Ca t'ennuyait. Et puis, tu avais l'impression que tu pouvais faire des choses beaucoup mieux que rester assise à compter, écrire ou lire en silence.

Tu faisais des rêves bizarres. Des rêves où il y avait des chevaux avec de grandes ailes d'oiseaux. Et des rêves d'aiguilles. Tu détestais les aiguilles. Cela était synonyme de maladies. Et ici, les maladies se soignaient presque comme au Moyen-Age. C'est l'une des raisons pour lesquelles tu passais ton temps près de la Cheminée lorsque le temps était froid dehors. pour ne pas attraper de rhume. Tu avais une peur bleue de la mort, aussi, comme tous les enfants. Mais dans tes rêves, le plus troublant, c'était la présence de cet ange qui te parlait de temps à autre, avec toujours autant de tendresse dans la voix. Il avait un arc à la main. L'archange Gabriel. Ou Cupidon, mais tu ne croyais pas aux histoires païennes, pas plus que tu ne croyais en Dieu.

Tu n'en parlais à personne bien sûr. Tu les connaissais. Ils allaient dire que tu étais possédée, et en essayant de t'exorciser, ils parviendraient à te tuer. Bien sûr, tu n'étais pas encore suicidaire, donc tu ne voulais pas de ça. Et puis, un jour dans ton cauchemar, tu avais rêvé des flammes. Elles te léchaient la peau sans te brûler. Quelqu'un te tenait par la main, mais tu n'arrivais pas à distinguer de qui il s'agissait, un rideau de fumée se dressant entre vous deux. Pourtant, tu avais tout de même l'impression de ressentir cette chaleur. Tu étais trempée de sueur. A croire que tu avais passé des heures dans cette fournaise. Mais quand tu te réveillas, tu te rendis compte que tes draps étaient parfaitement secs et qu'il n'y avait pas de trace de brasier. Il n'y avait même pas la plus petite étincelle. Tu étais en sécurité. Tu pouvais te rendormir.

Alors tu as continué à vivre. Tu as oublié ce rêve étrange où tout avait l'air si réel. Tu as continué sans savoir que c'était l'un des rêves de demi-dieu. Un rêve qui avait 50% de chances de se réaliser. Pourtant tu étais encore jeune. C'est pour cela qu'ils n'arrivaient très rarement dans ton sommeil. Mais celui-là en était un.
Tu dormais tranquillement, faisant des rêves d'humaine normale. Si tant est que rêver de Jésus, Dieu et Satan est normal. Tu t'étais endormie avec ta robe de chambre. Et sur ta table de nuit, tu avais posé ton crucifix en schiste. Tu dormais à peu près paisiblement, ne te rendant pas compte de la température ambiante qui grimpait tout autour de toi. Tu n'en pris conscience que quand une main masculine te secoua légèrement te demandant de te lever. D'une voix pressée et légèrement apeurée. La personne t'avait appelée Ambroisia, ce que personne ne faisait jamais dans l'abbaye, car c'était un prénom qui faisait trop penser aux religions païennes. Tu te levas d'un bond. Tout autour de toi, le bâtiment brulait. L'ombre planait sur le visage de l'homme, tu ne pus donc le reconnaître. Il attrapa ta main, et lestement prit le crucifix avec lui. Il te faisait avancer parmi les flammes. Beaucoup léchaient de leurs langues de feu te mollets, mais tu ne sentais rien. Pourtant ça ne fait pas partie de tes pouvoirs de résister aux flammes, et je soupçonne ton sauveur d'avoir eu recours à un pouvoir divin permettant de protéger les personnes qu'il tient par la main. Un écran de fumée masquait le dos du super-héros qui venait te sauver de l'incendie. Tu entendis un cri. Déchirant. Un cri de douleur. Un cri d'enfant qui se brûle. Au centule. Oui, un de tes amis venait de mourir sous les flammes qui calcinaient ses chairs. Un gigantesque bûcher les attendfait tous, eux, fervents serviteurs de Dieu qui ne s'étaient jamais éloigné de la voie, du bon chemin.

Et puis, les murs de briques commencèrent à exploser, et tu sentais de plus en plus la morsure du feu. Alors, l'homme te prit dans ses bras, mais dirigea ton visage devant. Pour ne pas que tu te souviennes de lui. Et c''est ainsi que discrètement, il put glisser la croix noire dans la poche de ta robe de chambre, sans que tu ne t'en rendes compte. Tu te laissais faire. Tu étais encore à moitié endormie, et surtout, tu ne savais pas quoi faire, tu étais perdue, déboussolée. Tu avais l'impression que les bras de cet homme étaient un endroit hors du temps et de l'espace. Mais tu étais mal à l'aise. Tu savais que tu le mettais en danger. Arrivés dehors, la gifle du vent te réveilla pleinement. Mais ce que tu vis ensuite était digne d'un rêve totalement bizarre. L'homme te posa à terre, ouvrit deux grandes ailes -seraient-elles celles d'un cygne ? - et s'envola. Tu n'avais pas vu une seule fois son visage. Mais le timbre de sa voix te hanta toute ta vie.

Alors tu partis. Oui, il le fallait. Tu n'allais pas rester là à contempler ce bûcher où périssait ceux qui t'avaient recueillis. Tu marchas sans savoir où tu allais. Pendant deux jours. Et tu débarquas dans New-York, dans un quartier du Bronx. Te voilà revenue à tes origines. Tu frappas à la première porte que tu vis. On t'ouvrit, mais tu t'écroulas de fatigue. Te voilà à présent chez Rick.



Le jeune homme -car oui, il n'avait que vingt-cinq ans lorsqu'il t'a recueillie- te prit dans ses bras, mu par une certaine compassion. Il ne savait pas que tu étais la fille d'un quelconque dieu. Il t'installa sur la chose qui lui servait de lit. Il n'était pas riche. Il arrivait tout juste à s'en sortir à peu près. Cet appartement avait été celui de sa mère, morte emportée par une maladie assez grave. Elle n'avait pas eu assez d'argent pour se guérir. Une pneumonie avait eu raison d'elle, elle, la fille qui ne se laissait faire par rien ni personne. C'était son caractère qui avait bien plu à Arès. Et de cette union était né Rock. Pauvre garçon. Il a vécu dans la misère et a appris à écrire et à lire seulement à la Colonie. Sa mère n'avait pas eu les moyens, ni l'envie de s'occuper de sa scolarité. Sa mère n'avait pas voulu d'un enfant. Cet enfant l'encombrait. Elle n'avait que des petits boulots, des CDD, mais elle était hystérique. C'est pour cela que, petit, Rick s'enfuyait souvent. La maladie s'était déclarée après sa naissance. Elle était restée là, pendant des années, tapie au fond d'elle, comme un volcan qui dort. Ce pauvre Rick en avait vu de toutes les couleurs, et il avait été soulagé de venir vivre à la Colonie. Il avait tout fait pour l'oublier, mais on oublie pas celle qui vous a donné la vie aussi facilement qu'on oublierait le type qui faisait les courses à côté de nous.

Rick t'avait vue, et un instinct paternel et protecteur lui avait soufflé de te mettre à l'abri. Tes vêtements étaient un peu brûlés à certains endroits. Il t'avait retiré ta robe de chambre et avait trouvé ton crucifix. Il ferma à clé un petit placard. Il ne fallait pas que tu voies ce qu'il y avait à l'intérieur. Pas tout de suite. Il s'occupa de toi, abandonnant ses clients pour une journée. Et puis, il te demanda si tu voulais rester chez lui. En lui tu n'avais vu que de la gentillesse, envers toi. Il ne te voulait aucun mal. Au contraire, cela ne le dérangeait pas que tu traînes dans ses pattes. Et puis, taillé comme il l'était, il te défendrait sûrement. Et surtout, tu t'étais attachée à lui. Il était devenu ton frère ; même plus : ton père. Un père qui n'avait pas non plus la droiture et l'autorité qu'il aurait fallu, mais ça t'arrangeait. De toute façon, tu n'avais jamais eu de père, et après la vie à l'Abbaye que tu avais passé, où tu n'avais rien le droit de faire, ça ne serait pas plus mal. Alors, il t'a tout expliqué. Comment vous alliez vous en sortir. Ce que tu allais devoir faire. Et surtout qui il était et ce qu'il faisait. Dans qui il était, il t'avait caché la partie mythologique. Tu n'étais encore qu'une humaine. Etant encore toute petite, dormir dans le même lit ne poserait pas de problème. Pour toi c'était normal.

Dès le lendemain, vous avez mis tout ça en pratique. Tu te rappelais mot pour mot ce qu'il t'avait dit de faire. Lui était parti déjà, pour "préparer le terrain" et pour vérifier si aucune menace ne s'approchait pas de toi. Alors, du haut de tes quatre ans, tu as ramené des sacs bien fermés. Tu savais ce qu'il y avait dedans, mais tu ne connaissais pas le danger. Tu ne savais pas que ça pouvait tuer à petit feu,que c'était interdit par la loi. Tu savais juste que tu ne devais pas les ouvrir et surtout, s'ils s'ouvraient accidentellement, que tu ne devais pas y toucher. C'était clair. C'était la seule règle vraiment stricte que tu n'avais pas le droit de transgresser.

Et ta petite tête blonde se rassit souvent sur ces marches pour donner les sachets en échange de l'argent qu'on donnait à ton frère. Ton frère... Quand tu atteins six ans, il t'explique comment te débrouiller le soir s'il n'était pas là. Vous aviez deux lits. Ta gentillesse et ta sympathie envers tous ces drogués avaient fait monter les ventes, mais il y avait aussi la crise... Enfin. Ton frère recommença à sortir. Il aimait l'alcool et les filles. Alors, il mit ses désirs à exécution. Tu savais que s'il ne rentrait pas, tu ne devais pas t'inquiéter. Et que s'il se passait quelque chose de grave, tu n'avais qu'à aller chez le voisin. Le voisin, c'était "le monsieur un peu bizarre, parce qu'il met tout le temps des casquettes trop grandes et qu'il marche bizarrement." Ce voisin était en réalité un satyre qui veillait sur Rick à la base, mais qui veillait aussi sur toi. Il avait senti que tu étais une sang-mêlée bien que pas très puissante. Quelle que soit la menace, il saurait te protéger. Rick le savait aussi, mais il n'avait pas changé de comportement avec toi, te cachant la part mytholoique des choses. Tu étais très intelligente, mais tu ne pouvais voir l'invisible.

Et puis un matin, une femme en manque de morphine avait débarqué. Elle avait débarqué, et comme elle n'avait pas l'argent pour payer Rick, elle lui avait collé une gifle. Bien sûr, Rick avait l'habitude. Mais ça n'était jamais arrivé pendant que tu regardais. Tu étais repartie dans le petit placard chercher d'auytres sacs, et tu avais vu la scène. Tu étais loin, à une dizaine de mètres. Et soudainement, tu étais sur elle, à la frapper, la mordre et lui donner des coups d'ailes. oui. Des coups d'ailes. Deux petites ailes -genre Cupidon- avaient surgi dans ton dos pendant le choc émotionnel que la gifle t'avait fait. Elles étaient blancs avec des reflets roses. Elles s'étaient déployées, et avec, tu avais volé, très rapidement, vers lapersonne. Très rapidement car tu avais fais dix mètres en moins d'un centième de seconde. Après que l'effet de surprise se soit dissipé, ton frère t'avait écarté de la droguée, lui donnant ce dont elle avait besoin. Mais il n'était pas vraiment à ce qu'il faisait. Tes ailes s'étaient repliées, et on aurait pu se demander si ce n'était pas un rêve, si il n'y avait pas eu ces deux longues cicatrices sur tes omoplates, ton T-shirt déchiré, et un important sentiment de fatigue. Rick ferma boutique plus tôt qu'habiuellement, laissant derrière lui quelques personnes mécontentes, et te ramena à la maison. A peine ta tête effleura-t-elle le matelas que tu tombas dans un profond sommeil. Alors, Rick en profita pour faire venir son ami satyre. Il lui expliqua ce qu'il s'était passé. Pendant ce temps, il veillait sur toi, regardant parfois à la fenêtre si aucun monstre ne faisait son apparition.
"-L'apparition des pouvoirs est toujours très éprouvante. Tu le sais.
-Oui. Bien sûr. Mais là... Je savais qu'elle était... Comme moi. Je m'en serais vite rendu compte, même sans ton aide. L'hyperactivité, la dyslexie... Ce sont des signes qui ne trompent pas. Mais je l'avais toujours considéré comme une humaine, en priant les dieux pour qu'elle soit normale et qu'elle n'aie pas à endurer tout ce qu'endurent les demis-dieux. Mais je viens de comprendre que ça ne servait à rien. Tu as une idée de qui peut être son parent divin ?
-Pas beaucoup. Les ailes... Ca peut être Hermès, mais comme elles étaient un peu roses, ça peut être Eros, mais ça peut aussi être Zeus, ou même Aphrodite car ce sont plus des ailes de colombe tu m'as dit.
-Ouais. Ou une colombe ou un cygne.
-Quoi qu'il en soit, il faudra rapidement l'emmener, tant qu'ils ne l'ont pas repérée.
-Quand ?
-A son réveil. Ils sont sûrement déjà sur sa piste. Elle n'est pas très puissante, mais vous êtes à présent deux. Ca les affamera d'autant plus."
Alors, comme prévu, à ton réveil, tu dus faire tes valises -façon de parler, vu que tu n'avais rien. Tu avais juste ton frère. Si cela avait été possible, tu l'aurais emmené avec toi. Tu avais neuf ans. Mais lors de votre dernière étreinte, il te remit le crucifix en schiste que tu croyais brûlé, et que depuis cinq ans, il avait gardé avec lui, pensant tele donner pour ton dixième anniversaire. Ou plutôt te le rendre. Mais il fut moins discret que ton père biologique. Tu fronças les sourcils mais il te dit qu'il n'avait rien fait. Le satyre s'impatientait, et c'est les larmes aux yeux que tu partis, accompagnée de l'homme-bouc.




La Colonie s'étendait devant toi, belle, grande, joyeuse, avec une certaine majesté. Quant à toi, tu n'avais pas été beaucoup attaquée sur la route, juste un monstre. Néanmoins, tu n'avais rien de la riche reine perse. Oh non. Tu ressemblais plutôt à une petite fille sans le sou qui a passé trois jours complets en forêt. Mais, malgré tes vêtements déchirés, tes cheveux blonds sales et emmêlés, et les grosses cernes qui s'étiraient sous tes yeux, tu gardais une certaine joie de vire, celle qu'ont tous les enfants quoi qu'il se passe.
Tu restas deux moi à la Colonie. Deux mois pendant lesquels tu appris la mythologie, tu acceptas le mode de fonctionnement des repas, des offrandes, et autres, mais surtout deux mois pendant lesquels tu appris à lire et à écrire. Rick t'avait jeté quelques bases, mais c'était trop peu par rapport à ton âge. Tu appris à tirer à l'arc, vu que tu étais une piètre épéiste et que ton manque de discrétion t'empêchait de manier le poignard. Et puis l'arc te donnait ce côté romantique... Bon, ok, je me tais, ne me menace pas avec ton arc. D'un coup ça perd tout le côté romantique.
Enfin. Tu t'es fait quelques amis, chose nouvelle pour toi. Il n'y avait pas 'enfants dans ton quartier sombre du Bronx. Les deux seuls amis que tu n'avais jamais eu étaient Rick et son ami satyre.
Mais voilà, tu te sentais coupable. Tu ne pouvais oublier ton frère et les risques que comportaient les ruelles dans lesquelles il exerçait son métier. Tu avais appris que ce qu'il faisait, c'était illégal. Tu comprenais maintenant qu'il n'aime pas les policiers et qu'il cachait la marchandise lorsqu'ils venaient. Jamais avec les chiens. Et savoir que tu étais là, à t'amuser, à dormir dans un vrai lit, avec pleins d'amis, en sécurité, et savoir que lui risquait sa peau à tout instant te fit regretter de l'avoir oublié. Ca te rendit amère également. Tu te traitas d'égoïste et à la fin du deuxième mois, alors que tout le monde était occupé, tu fuguas.
C'était la véritable première fois que tu le faisais. Sur le coup, tu ne t'étais pas posé la question de la réaction de tes amis, s'ils allaient essayer de te chercher par tous les moyens. Tu ne te l'es posée que lorsqu'on était retourné te chercher. Tu pensais que le voyage ne durerait que trois jours, comme lorsque l'homme-bouc t'avait amené à la Colonie, mais tu ne connaissais pas le chemin. Tu avais néanmoins ton arc et un carquois de flèches. Tu étais en relative sécurité, hormis contre les mortels et la menace qu'ils pouvaient représenter dans certains cas. Ca te prit quatre jours de plus. Tu te perdais souvent. Mais tu avais fini par trouver New-York, puis le Bronx, puis ton quartier, la ruelle, et enfin la maison de Rick. Celui-ci allait plutôt bien, avec tout de même une baisse certaine du chiffre d'affaires.
Quand il te vit venir, son visage s'illumina. Tu étais le rayon de soleil qui venait éclaircir sa vie. La maison était propre et bien tenue comme toujours, et le placard fermé à double-tour, signe qu'il avait terminé sa journée. Tu étais toi aussi des plus heureuses. Mais en voyant l'état dans lequel tu étais, il ne put s'empêcher de penser au pire quant à l'état de la Colonie.
Tu le rassuras tant bien que mal. Il trouvait ton attitude très noble, mais t'expliqua à quel point il était dangereux de sortir sans permission, surtout qu'on ne connaissait pas ton parent divin à l'époque, et que tu pouvais être très puissante, et trop facilement détectée par des monstres affamés (bien sûr, il en rajoutait, mais il avait tellement peur pour toi...)

Néanmoins, tu repris ta vie avec lui comme s'il ne s'était rien passé ces deux derniers mois. C'était tranquille, mais les affaires marchaient bien. Bien sûr, tu dus renouer avec tes quelques défauts, pour que l'argent entre plus facilement dans la caisse : mensonge, hypocrisie, et parfois même de la perfidie. Oh ! Ce n'est pas comme si personne n'usait jamais de ces trois traits de caractère là !

Mais ils te retrouvèrent. Tes amis. Ils avaient fugués à leur tour pour te retrouver. Parce qu'ils s'inquiétaient pour toi. Et c'est à ce moment là que tu compris à quel point tu avais été égoïste. Ton frère te serra encore longtemps dans ses bras, et te dis que la porte pour toi serait toujours ouverte, à partir du moment où tu fais ça en connaissance de toutes les conséquences qu'auraient tes actes. Alors tu repartis. Comme ils connaissaient mieux le chemin que toi, ça ne te prit que quatre jours. Et tu revins à la Colonie, avec encore plus d'ombres sur ton visage. Tu commençais déjà à perdre ta joie de vivre enfantine.



Les années ont passé, et chaque jour tu devenais un peu moins sociale, un peu moins innocente, et toujours un peu plus sombre et renfermée. Tu ne parlais à personne de ce que tu pensais. Une semaine après ton retour à la Colonie, Eros t'avait revendiquée comme sa fille. Tout était devenu plus clair. Pourtant, l'Amour, tu n'en avais rien à cirer, et ce depuis ton plus jeune âge. Il y avait des choses bien plus importantes que l'Amour. Pourtant, ça 'avait expliqué bien des choses. Tes ailes et leur couleur, ton attirance pour l'arc, et puis ton sauveur. Tu avais toujour du mal à croire que c'était ton père qui t'avait sauvée des flammes. L'Amour t'avait sauvée. Comme dans Harry Potter. Car c'était plus qu'Eros lui-même qui t'avait quasi-empêchée de brûler. C'était l'amour que te portait ta mère, et le fait qu'elle n'aie pas été triste de savoir qu'elle allait mourir, mais triste de la perspective de ne jamais te voir grandir. De ne jamais pouvoir te donner tout son amour.
Tu ne savais pas que tu étais ne Reine. Si on te l'avait dit, tu aurais ri au nez de l'autre comme s'il était fou. Ou tu te serais blindée. Tu n'acceptais plus rien des autres. Tes amis se comptaient sur les doigts d'une main. Personne n'avait vu un enfant de l'Amour (que ce soit Eros ou Aphrodite) aussi sombre et associal. Tu n'essayais pas de former de nouveaux couples. Et puis vers l'âge de treize ans, tu as commencé.
La première fois, c'était dans une des douches de la Colonie. Murs blancs, lavabo blanc, douche blanche... Trop de blanc. Tu gardais toujours une flèche sur toi, au cas où, et cette fois-ci tu la sortis. Contre toi-même. Tu savais que ta mère était morte par ta faute, on te l'avait dit en rêve. Alors, lentement, avec la pointe, tu t'entaillas le poignet. Et avec un mouvement de scie tu tu essayas de t'ouvrir les veines. Mais quelqu'un ouvrit la porte et alors que tu étais en train de réussir, il t'emmena à la Colonie. Des bandages autour de tes poignets pour t'empêcher de recommencer. Mis tu trouvas d'autres moyens.
A chaque fois quelqu'un arrivait. Les dieux étaient sûrement contre toi. Mais tu pouvais être têtue. Alors, pour mettre fin à tes jours, tu commenças à développer ton pouvoir. Cela faisait partie d'un grand plan. Lorsque tu appris à maîtriser tes ailes, à les déployer quand tu le voulais et à les rétracter à ta guise, tu commenças à quitter la Colonie discrètement. Bien sûr, tu devais souvent te battre contre les harpies qui veillaient à la sécurité des pensionnaires et qui les empêchaient se sortir. Tu finissais toujours par fuir ou arriver à avoir le dessus.
Tu réessayas de te suicider dans les rues de New-York, mais à chaque fois, on t'en empêchait, ou tu n'en avais pas le courage.
Et puis lors d'une de tes sorties nocturnes (deux fois par mois, au début et au milieu), on te proposa quelque chose. Quelque chose que tu connaissais pour en avoir distribué dans des sachets opaques pendant cinq ans et un mois. De lz drogue. Et plus précisément de la morphine. Tu savais tout ce que dire oui impliquerait, tu étais parfaitement toi-même. Tu savais que dire "oui" te mènerait à la mort. C'est ce que tu voulais. Alors tu commenças à te piquer. Lorsque tu étais à la Colonie, les tu essayas d'en trouver le plus proche possible, mais tu savais qu'il n'y en avait pas. Alors tu commenças à dévaliser ton frère, laissant néanmoins de l'argent dans la caisse. Oui, maintenant tu t'en veux, mais c'est trop tard.

Un jour, il te surprit. Il avait remarqué que les quantités baissaient constamment, alors qu'il n'avait pas de nouveaux clients. Alors, revolver au poing, il attendit, caché dans l'ombre. Tu savais qu'il était un fils d'Arès. Il te l'avait dit pendant le mois où tu étais retournée habiter chez lui. Mas lorsqu'il te prit, toi, sa soeur, des larmes submergèrent ses yeux. Surtout en voyant le nombre de marques violacées sur tes bras. Tu n'en étais pas à ta première dose. C'était toi la voleuse de fée.
Il te prit par le bras, te faisant lâcher la seringue, et t'envoya sous la douche. Il n'ouvrit que le robinet d'eau froide et ne te déshabilla même pas. Tu n'avais pas pris tes substances, alors désormais tu grelottais de froid et de manque. Alors, ton frère te sécha un peu et te fit l'injection, mais en prenant soin de bien tout nettoyer avant. Il le fit dans les meilleures conditions d'hygiène possible. Il ne voulait pas que sa petite soeur attrape une quelconque maladie dangereuse.
Il était triste car il pensait que c'était de sa faute. Qu'il n'aurait jamais dû te montrer la drogue, les drogués... Son milieu de travail, quoi.

Et puis, tu revins régulièrement chez-lui. Cachée dans le Camion de fraises, ou volant simplement. Le mur tu avais appris à le faire. Et puis, un jour, les flics ont débarqué. Heureusement, ton frère avait terminé l'injection. Mais ils avaient les chiens. Et tu savais que Rick était cuit de chez cuit. Tu voulais rester avec lui. Après tout, tu avais pris part à son trafic pendant cinq ans et un mois. Tu étais sa complice. Mais il ne le voulait pas. C'est presque les larmes aux yeux qu'il te demanda de te tirer. Tu ne te faisais pas d'illusions, même avec la drogue que tu avais dans le sang. Tu savais qu'il irait en tôle. Alors, come personne ne t'avais vue, tu ouvris tes ailes, passant par la porte de la cuisine, et tu décampas. Tu ne savais pas où tu allais, tu laissais le vent te porter. Tu avais les larmes aux yeux. Ta morphine ne suffirait pas cette fois. Car elle effaçait les douleurs de ton esprit plus que des douleurs physiques. Tu pleurais.




Te voilà, là, à presque dix-huit ans. Tu te tiens devant ton bungalow. Enfin, ton ancien bungalow, celui des Hermès. Tu y as passé tellement de temps qu'il a bien plus d'importance que celui que tu as maintenant. Tu as refusé d'être chef de bungalow. Tu ne sais toujours pas te gérer toi-même. Et puis, ça t'empêcherait de pleins de choses. Et un chef de bungalow doit montrer l'exemple. Hors, ce n'est pas ton cas. Tes crises de manque s'espaçaient, maintenant que tu étais à la Colonie, que tu menais une vie tranquille, rythmée par les injections et les combats. Tu dansais parfois aussi. Jamais sur des musiques très pacifiques. Hysteria, de Muse, et autres.
D'ailleurs, tu dansais lorsqu'un demi-dieu que tu avais croisé mais que tu ne connaissais que de vue vint t'annoncer la mauvaise nouvelle. Ton frère venait de se faire tuer à la sortie de prison. Il s'était bien tenu et sa peine avait été écourtée. Il avait joué franc-jeu avec les autorités. Il n'était pas du genre à mentir. Il savait qu'il s'en sortirait mieux en disant la vérité, même si son instinct avait dû lui crier de nier les faits. Il était allé contre sa nature pour se protéger. Tu laissas une larme rouler le long de ta joue. Puis, tu envoyas balader le garçon. Tu en voulais à tout le monde. Mais surtout, tu t'en voulais à toi-même. Parce que si tu étais restée, ça ne serait pas arrivé. Tu commenças à détruire ce qui se trouvait autour de toi. C'est à dire des arbres et des fleurs. Les dryades sortirent de leur demeure, outragées, et réussirent finalement à te calmer. Alors, tu commenças à pleurer toutes les larmes de ton corps.
Maintenant, cette mort 'a rendue amère. Tu es plus muette que jamais. Tu as peu d'amis, et tu ne sais plus rassurer par la parole. Tu es maladroite avec les mots et tu te blindes trop facilement.
Et maintenant que les dieux se déchaînent contre la Colonie, tu perds la foi et l'espoir. Tu deviens une épave ambulante. Pourtant bien des pensées traversent ton esprit. Tu vas te laisser mourir. Tu es lâche. Tu es indigne de ta mère. Tu n'as aucune fierté. Tu étais encore à peu près sauvable, à peu près noble, pendant un certain temps. Tu te battais avec les autres. Tu réagissais, la perspective de voir ta Colonie détruite te rendant malade. Et puis, tu as eu une idée. Si tu restais à la Colonie, et qu'elle était détruite, tu pourrais mourir. Et tu as arrêté d'agir.

La Colonie part en ruines. Tu le sais. Tu en es consciente. Et tu veux partir avec elle, car ton âme y restera à jamais. Mais tu n'as pas le choix. Tu dois partir avec les autres. Hermès est venu. Il a donné les consignes des dieux, comme à son habitude. Vous devez partir pour la Colonie Romaine. Parce qu'ici, il n'y a plus rien à faire, parce qu'ici, tout est perdu. Tu commences à arrêter la drogue, mais c'est dur. Tu arrêtes, non pas parce que tu as repris espoir. u contraire. Tu te dis qu'au moins là-bas, tu pourras montrer aux dieux à quel point ça vous brise d'être leur jouet. Tu mourras de manque. Tu t'en fous, de toute façon c'est ce que tu veux. Tu dois reprendre conscience. La mort te guide. Et elle est mauvaise conseillère.

Tu les suis, à la recherche de ce nouvel Eden. Tu ne parles pas, et parfois, tu tentes de fuir. Et puis tu fais un rêve. Un rêve qui aurait été absurde pour n'importe qui. Mais pas pour toi.
Tu te tiens à nouveau dans les flammes. Eros vient nouveau te chercher. Mais son regard est dur. Il ne te pend pas dans ses bras. Tu sens les brûlures sur tout ton corps. Une larme a roulé sur ta joue. Tu le sens car ta peau te tire sur le chemin qu'elle a emprunté. Eros te parle. Et malgré le crépitement des flammes, tu l'entends. Mais ce n'est pas sa voix. C'est celle de Rick. Rien ne peut plus t'émouvoir.
"-Que deviens-tu ? Tu te laisses aspirer dans quelque chose que j'ai toujours détesté. Quelque chose qui ne te ressemble pas. La lâcheté. Tu as toujours été courageuse. Tu as toujours été noble. Mais là... N'as-tu donc plu aucune fierté ? Tu fais honte à ma mémoire. Tomber est permis, se relever est obligé. Tu comprendras mieux le sens de cette phrase arrivée à destination. Pour le moment, brûle dans les flammes de ta mémoire."
Et il s'envole. Rien ne peut te faire plus mal que de voir Rick te dire que tu es indigne d'être sa soeur. Même plus. Sa fille.

Alors tu réfléchis à tes actes sur toute la durée du voyage. Tu essaies de reprendre de l'assurance à l'oral. Tu t'enfuis de moins en moins. Mais il y a toujours les crises de manque. Tu essaies de prendre goût à autre chose qu'à la morphine. Quelque chose qui aurait les mêmes propriétés. Tu essaies d'oublier ta douleur mentale. Alors, tu commences à essayer de chanter. Bien sûr, tu ne l'as jamais fait, et le son peut être très discordant,mais c'est déjà mieux. Il n'empêche, à l'intérieur de tes chansons il y a une grande réalité. Tu racontes ce que tu vois. Et comment tu te vois.


Les voilà, les fameux romains. Mais rien qu'à les voir, tu sais que tu auras du mal. Ils sont trop différents. Ils sont pas assez "libres". Tu comprends vite qu'ils honorent les dieux. Ils aiment être leurs jouets. Pas toi. Tu n'acceptes pas leur mode de fonctionnement. Tu te tiens toujours comme à al Colonie. Sauf que maintenant, tes ailes sont partie intégrantes de toi. Elles ne te prennent beaucoup d'énergie que si tu voles avec. Si tu les gardes en "déco", tu es juste un peu plus fatiguée le soir que sans. Tu as troué tes T-shirts à l'exact emplacement de tes ailes. Maintenant, tu te balades toujours avec ton arc et ton carquois à la main. Tu t'intéresses un peu plus à l'amour aussi, même si tu trouves toujours ça aussi futile qu'avant. Tu ne peux plus t'éclipser comme avant. Tes amis t'en empêchent. Mais malgré tout, tu restes la même bête indomptable. Tu n'as jamais été aussi gentille, et ça ne saurait tarder à changer.





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