« Allez me chercher Ezekiel Minnericht, s'il vous plait ! », commanda-t-elle de bon matin, visiblement très agacée. On lui avait encore rapporté les dernières frasques du fils d'Héphaïstos, et ça lui avait fortement déplu. Immédiatement, elle avait décidé de convoquer pour, il lui semblait, la énième fois, ce gros bébé d'Ezekiel. Ce demi-dieu avait beau avoir dix-neuf ans (soit un an de plus qu'elle, hein), il agissait toujours comme s'il en avait à peine dix. Et encore. Siam ne savait plus quoi faire de ce garçon. Déjà, à la colonie quand elle n'avait pas à " s'occuper de lui ", il l'agaçait par son comportement beaucoup trop enfantin. Mais depuis qu'elle avait été élu ambassadrice, et qu'elle s'était auto-missionnée de s'occuper du camp grec tout entier, la fille d'Athéna considérait Minnericht comme un gros problème. Comment pouvait-il être ainsi, alors qu'il était un demi-dieu ? Quand on est à moitié immortel, il y a les avantages mais surtout les inconvénients qui vont avec : les monstres, les dieux, ce genre de choses. C'était un monde où on ne pouvait pas rester enfant bien longtemps. Et pourtant, Ezekiel se maintenait dans sa gaminerie depuis... des années, disons.

Elle n'avait pas donné spécialement d'heure pour sa convocation, mais s'attendait quand même à ce qu'Ezekiel arrive vite. Ce qui n'arriva pas. Au contraire, Siam eut le temps de s'occuper de mille autre choses avant qu'il ne daigne faire son apparition, l'air penaud - comme toujours. Siam était presque seule dans la tente d'Athéna, occupée à observer un plan compliqué. Elle releva la tête et fit signe au fils d'Héphaïstos d'approcher. Plus près. Voilà. « Siam, tu voulais me parler ? »; engagea-t-il d'une voix pitoyable. Siam le contempla un instant, partagée entre l'envie de lui donner une claque pour le réveiller une fois pour toute ou... lui donner une claque tout simplement. Evidemment, elle n'en fit rien et répondit : « Je ne sais pas ce qui ne va pas chez toi, Ezekiel, mais ça doit changer. Et vite. Je te l'ai déjà dit, tu le sais, mais ça n'y change rien », débuta-t-elle. Oui, elle n'y allait pas de main morte. Elle avait tenté la méthode douce, la manière détournée et agréable de faire comprendre à Ezekiel qu'il nuisait à la réputation grecque. Mais ça n'avait rien donné. Il semblait au courant, mais continuait tout de même se frasques, ses bêtises, ses âneries, que sais-je encore... Bref, maintenant, Siam avait l'intention de passer à la manière forte. Même si déjà, avec la méthode "douce" (selon ses propres critères), elle avait réussi à faire pleurer le garçon plusieurs fois. « On m'a dit que tu avais fabriqué une sorte de machine qui s'en était pris au romain ? Bien. Pourquoi tu n'utilises pas ton savoir-faire pour faire des choses qui nous seraient UTILES, plutôt ? », reprit-elle sur un ton très fâché. Franchement, on aurait dit une maman sévère qui sermonnait son fiston pour la énième fois. De toutes façons, investie du rôle d'ambassadrice, Siam se prenait depuis légèrement pour la mère de tous les grecs (sauf des Arès et des Aphrodite, dieu merci). Ça lui avait déjà fait passé toute envie de devenir mère un jour. « Bref, Ezekiel, tu vas devoir me trouver une solution à ton problème, qui puisque tu appartiens à un groupe, devient le problème de tout le monde. Des grecs, j'entends ». Elle lui lança un regard qui voulait dire " allez, j'attends ". Et elle attendit.

« Mais Siam ! Je... », furent les premiers mots que prononça Ezekiel après la longue tirade de Siam, juste avant de fondre en larmes. La fille d'Athéna se mordit la lèvre inférieure, leva les yeux au ciel, gênée et en même temps agacée. Elle n'arrêtait pas de faire pleurer ce grand garçon, rien qu'avec des mots. Siam n'aimait pas les faibles : seuls certains d'entre eux lui donnait envie de les protéger. Ezekiel ne faisait pas parti de ces faibles là. Non, il était plutôt le genre de demi-dieu faible qui donnait à Siam l'envie de distribuer des claques à tout va, pour remettre les idées en place. Ezekiel avait surement besoin de ça. Néanmoins, elle n'aimait pas faire pleurer les gens, que ce soit Ezekiel ou quelqu'un d'autre. Elle n'était pas le genre de fille sadique, à jubiler devant une fontaine de larmes. Siam allait lui répliquer qu'il était ridicule, mais Ezekiel la prit de cours et lui hurla presque au visage : « Mais tu crois que je n'en fais pas des efforts ?! Tu crois vraiment que je n'en ai pas marre d'être ce que je suis ?! Un bébé pleurnichard et maladroit alors que j'ai 19 ans ! Je veux changer, je veux devenir meilleur et aider à notre image, mais j'y arrive pas, je n'arrive pas à comprendre ce qui ne va pas chez moi… Tu penses vraiment que je m'en moque ? Que je trouve ça drôle ? Je suis bien conscient de l'importance de nos bonnes relations avec les romains, je fais tout mon possible pour que ça marche. Seulement c'est dur ! C'est terriblement dur de faire bonne figure quand on ne fait qu'être jugé, y compris par les grecs !… y compris par toi… Je hais notre situation ! J'aurais préféré disparaître avec la colonie, au moins ça aurait fait un soucis de moins ! ». Siam resta un moment muette, abasourdie et légèrement choquée. Jamais elle n'avait vu le fils d'Héphaïstos dans un tel état. Jamais elle ne l'avait vu s'énerver. C'était une grande première, et cela faisait bizarre. Au moins, elle tenait là une réaction. Ezekiel lui prouvait enfin qu'il pouvait réagir. Pourtant, elle savait qu'il n'était pas dénué de volonté. Malheureusement, ça ne suffisait pas. En attendant, sous le coup de la colère - et sans faire exprès, évidemment -, le garçon avait cassé une chaise. Siam jeta un coup d'oeil au défunt fauteuil, écoutant à moitié les excuses du fils d'Héphaïstos : « Je suis désolé… Je réparerais ça ».

Bien. Ezekiel reprenait peu à peu ses esprits, essuyait les quelques larmes qui coulaient encore le long de ses joues. Siam l'observa un moment, sans rien dire. Elle attendit qu'il se soit définitivement calmé pour dire : « Eh bien, tu me fais de ces scènes... ». Elle finit par sourire, et reprit, plus gentiment : « Pas besoin de t'apitoyer sur ton sort et de me dire que le plus simple aurait été que tu meurs. C'est terriblement idiot de ta part ». Elle marqua une pause, réfléchit un instant. Vraiment, elle ne voyait pas de solution immédiate au problème Ezekiel. N'empêche, que ça restait un problème. Mais il y avait peut-être un moyen. « Tu sais quoi, Ezekiel. Milo est très occupé, ces temps-ci. Il n'a qu'une idée en tête, construire une forge au camp Jupiter. C'est vrai que ça manque cruellement. Je suis sure que si tu l'aidais, ça irait beaucoup plus vite. Il sera d'accord, c'est certain ». Voilà. Elle ne trouvait pas mieux. Si elle occupait assez Ezekiel, il n'aurait plus le temps de faire des "bêtises". Et au moins, il pourrait être utile, et se sentir l'être. Cela faisait d'une pierre deux coups. Elle était plutôt fière de sa trouvaille, à vrai dire.